Diagnostiquer et surveiller les maladies infectieuses à l’ère du séquençage à haut débit
Le virologue Christophe Rodriguez, l’infectiologue Laure Surgers et l’épidémiologiste Adeline Feri reviendront, le temps d’une session scientifique, sur l’opportunité que représente le séquençage à haut débit dans le diagnostic et la surveillance des maladies infectieuses.
Il y a encore peu, les maladies infectieuses, qu’il s’agisse du diagnostic ou de la surveillance de la circulation des micro-organismes, étaient quasi-exclusivement recherchées de manière unitaire, une approche ciblée qui suppose une préconception du résultat souhaité. Mais la Covid-19 a quelque peu changé la donne ouvrant la voie de manière beaucoup plus large au séquençage à haut débit (Next Generation Sequencing ou NGS), une technologie jusqu’à alors essentiellement utilisée dans les cas d’impasse diagnostique ou en recherche.
Mais « dans le cas des maladies émergentes, le NGS qui séquence massivement tout ce qu’il y a dans un échantillon, offre la capacité de mener des recherches extrêmement larges au point de permettre de détecter ce que l’on ne connaît pas, explique le Dr Christophe Rodriguez, virologue, responsable LBMR métagénomique au CHU Henri Mondor (Créteil). Il permet à l’infectiologue de poser une question beaucoup plus large qu’avec les techniques conventionnelles : quel micro-organisme infecte le patient ? »
Et d’ajouter : « Il est également possible de faire de la documentation et de la caractérisation avec le même examen, ce qui permet de donner des informations sur la prise en charge du patient. Et c’est totalement nouveau. »
Deux techniques d’utilisation
Le séquençage à haut débit peut être utilisé de deux manières différentes. La première permet de mener une recherche relativement ciblée chez un très grand nombre de patients. A l’inverse, la seconde méthodologie s’appuie sur un large éventail de recherches sur un volume restreint de patients. Lors de la session, le Dr Rodriguez détaillera donc, en préambule, l’aspect technique avant que les usages du NGS ne soient exposés. D’abord par le Dr Laure Surgers, infectiologue (MCU-PH, maladies infectieuses) à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) qui reviendra sur la place de cette technologie dans le diagnostic infectieux.
Puis par le Dr Adeline Feri, épidémiologiste. Il y a encore quelques semaines, elle était chargée de projets Stratégie Laboratoires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé Publique France. Elle y a notamment coordonné le projet EMERGEN*. L’épidémiologiste expliquera de quelle manière ces technologies ont bouleversé la surveillance épidémiologique des territoires et quels en seront les impacts demain ? « Si des approches ciblées sont nécessaires comme ce fut le cas pour la Covid-19, il est nécessaire d’aller vers des approches plus globales, car les maladies émergentes sont omniprésentes, souligne le Dr Christophe Rodriguez. Plus elles sont détectées tôt, plus il est aisé de les contenir voire de les éradiquer. »
NGS, IA et médecine personnalisée
Enfin, cette session scientifique sera également l’occasion d’ouvrir des perspectives notamment celles de l’intelligence artificielle. « Aujourd’hui, nous utilisons 5 à 10 % des données collectées via le séquençage à haut débit, mais nous sommes capables d’obtenir beaucoup plus d’informations utiles à la médecine personnalisée, souligne le Dr Rodriguez. Nous sommes probablement capables de déterminer la dose de médicaments nécessaire, la sévérité de l’infection, etc. Mais les données sont si complexes que des années seraient nécessaires pour les exploiter et répondre aux besoins de chaque patient. » Un travail a d’ores et déjà été initié autour de l’intelligence artificielle (IA) pour l’entraîner à exploiter ces données et fournir des réponses concrètes au clinicien lors de la prise en charge du patient. « Même si des avancées technologiques sont encore attendues, les expérimentations ont commencé et l’IA appliquée au NGS ne tardera pas à être utilisée en routine. »
Informations pratiques : Session scientifique « Séquençage de nouvelle génération en maladies infectieuses, implication pour la surveillance des émergences et la médecine de précision », jeudi 2 décembre, de 16 h 15 à 17 h, salle 141.
* Coordonnée par Santé publique France et l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), le consortium EMRGEN a été mis en place en janvier 2021 pour suivre l’évolution génétique du Sars-CoV-2 afin de détecter l’émergence et la distribution spatio-temporelle des variants.