Crise sanitaire : comment ne pas faire des prélèvements biologiques le maillon faible ?
Les prochaines JIB seront l’occasion d’aborder un thème éminemment d’actualité : la gestion des prélèvements biologiques en situation d’alerte sanitaire et ce qu’il convient de faire pour ne pas bloquer le système de soins. Une problématique qui concerne évidemment les LBM, comme l’explique Bruno Lina, Professeur de virologie aux Hospices civils de Lyon et membre du Conseil scientifique, qui animera les débats sur ce sujet.
Qu’est-ce qui caractérise la gestion des prélèvements biologiques en situation d’alerte sanitaire ?
Bruno Lina : Lors d’épisodes de crise sanitaire épidémique, on est confronté à une multitude de problèmes qui s’accumulent. Un nouveau pathogène apparaît pour lequel on doit développer des outils de base, notamment un jeu d’amorces, une sonde, une PCR qui doit être affinée pour être efficace etc. Or, de nombreux laboratoires travaillent avec des systèmes fermés alors que là, il faut précisément des systèmes ouverts. A cela, s’ajoute l’afflux d’analyses qui est compliqué à gérer, en particulier en ce qui concerne la sécurité dans la mesure où il s’agit d’un virus émergeant. Ce qui implique de mettre en place un dispositif de transport hautement sécurisé, un protocole de culture astreignant etc.
En somme, au démarrage de ce genre d’épidémie, on est confronté à plein d’écueils logistiques, lesquels freinent la prise en charge des patients. Or, plus on prend en charge ces derniers de manière efficace et précoce, plus on est performant dans la gestion de l’épidémie. Dans ce contexte, les laboratoires hospitaliers comme ceux de ville doivent être réactifs pour fournir, en temps réel, les informations nécessaires à une meilleure gestion de la crise et donc, par récurrence, à son contrôle. Plus on prend de temps pour effectuer des diagnostics, plus on est dans l’incertitude quant aux mesures de contrôle à acter afin de freiner la diffusion du virus. Les enjeux, pour les laboratoires, sont donc considérables, en particulier au niveau organisationnel pour être en capacité de travailler dans l’urgence et H24 tout en disposant d’outils innovants.
Le retour d’expérience sur la crise de la Covid-19 permet-il de dégager de bonnes pratiques ?
B. L. : Il est compliqué de répondre car toutes les épidémies sont différentes. A chaque fois, il y a de nombreux écueils qu’il convient d’identifier pour trouver des solutions sur le moment et non pas dix ans avant, dans le confort d’un bureau… De manière générale, il est indispensable qu’il y ait un ou deux pilotes, lesquels sont, normalement, Santé publique France et le Centre national de référence (CNR) correspondant. Ce sont eux les donneurs d’ordre. C’est à eux de dire ce qu’il convient de faire, en particulier quels types de prélèvements doivent être effectués pour diagnostiquer les cas suspects, quelles PCR doit-on utiliser et comment doivent-elles être réalisées (avec une ou deux cibles). Ce qui implique d’envoyer à l’ensemble des acteurs impliqués dans la surveillance (médecins, laboratoires etc.) les différentes directives concernant le dépistage, le diagnostic, le reporting etc. Ce pilotage est indispensable pour organiser comme il faut la réponse sanitaire lors des différentes étapes d’une pandémie.
Et pour les LBM de ville spécifiquement, qu’en est-il ?
B. L. : Ils doivent, bien sûr, s’inscrire dans l’organisation mise en place. Lorsqu’une nouvelle épidémie survient, les premiers cas émergeants sont l’objet d’une prise en charge par l’hôpital. C’est toujours comme ça que cela se passe. Ensuite, il faut que les laboratoires de ville soient alimentés, par le CNR, en informations (protocoles, données techniques etc.) sur les outils de diagnostic et de prélèvement dont ils doivent se doter, lesquels sont, par nature, ouverts et modulables. Les laboratoires doivent donc faire montre de réactivité afin de monter des PCR à partir, si je puis dire, d’un assemblage de type Lego en achetant les composantes (amorces, sondes, enzymes…) çà et là ou, à défaut, en se mettant en lien avec un plateau de diagnostic qui, lui, aura configuré ladite PCR. Et ce, dans la mesure où l’épidémie dès lors qu’elle s’étend, a vocation à impliquer la médecine de ville.
La chose n’est pas toujours évidente pour les LBM…
B. L. : Tout ça n’est pas simple pour eux dans la mesure où cela sort totalement de ce qu’ils ont l’habitude de faire dans le cadre de l’accréditation et de leur démarche qualité. En effet, en temps normal, ils fonctionnent avec des kits tout prêts car c’est précisément ce type d’équipements que l’on accrédite.
La gestion de ce type de crises n’est pas uniquement technique…
B. L. : Effectivement, quand on est confronté à une crise sanitaire d’une intensité de celle de la Covid-19, les réponses techniques doivent être intégrées dans une réponse politique. Le pouvoir politique doit, quant à lui, orienter et être facilitateur. Cela a, par exemple, été le cas quand il est intervenu pour rattraper notre retard en matière d’équipements en vue de permettre un diagnostic de masse. Si nous sommes désormais capables d’effectuer 5 millions de PCR par semaine, c’est bien parce que nous nous sommes équipés en conséquence.