QUAND LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE FAIT DISPARAÎTRE LES FRONTIÈRES ENTRE LES DISCIPLINES BIOLOGIQUES
Marc Delpech, Docteur en médecine et en sciences à l’Institut Cochin et Professeur des universités à la Faculté de médecine Paris-Descartes, est membre du comité scientifique des JIB. Pour lui, le constat est clair : les nouvelles techniques telles que la spectrométrie de masse font disparaître les frontières classiques qui existaient jusqu’ici entre les disciplines biologiques.
Où en est-on des évolutions des techniques de séquençage ?
Pr Marc Delpech : Aujourd’hui, avec le séquençage, on peut offrir des résultats à la fois beaucoup plus rapides et beaucoup plus fiables qu’il y a trente ans, car plus de 300 gènes ont été identifiés. Le tournant a eu lieu à partir de 2006. On est alors passé de 1 000 bases séquencées à 6 000 milliards aujourd’hui. En la matière, je ne vois pas comment on pourra aller beaucoup plus loin en termes de puissance. Toujours est-il qu’il y a eu une évolution technologique majeure avec le séquençage de l’ADN. Cela va permettre dans les années à venir, dans le cadre de la médecine prédictive, d’analyser chez les gens toute une série de gènes de pathologies dont la génétique est l’un des facteurs déclenchants.
Or, parallèlement, il y aura une diminution des coûts. Les progrès qui seront faits grâce à ce séquençage et aux analyses effectuées à partir de très grandes cohortes permettront de développer des marqueurs prédictifs. Ceux-ci n’auront d’intérêt que s’il y a un traitement possible, ce qui sera le cas pour un certain nombre d’entre eux, en particulier dans le domaine majeur qu’est le cancer.
D’ailleurs, aujourd’hui, on ne prescrit plus un antitumoral sans avoir au préalable effectué une étude génétique pour savoir si la personne répondra favorablement au traitement ou pas. De même, l’AMM de beaucoup de traitements anticancéreux comporte l’obligation de faire un test génétique pour s’assurer que le médicament aura un effet curatif.
À terme, de nouveaux tests en biologie permettront d’explorer de nouveaux marqueurs. Le problème ce sera d’évaluer leur impact réel sur le diagnostic et la capacité de proposer un traitement.
Que pensez-vous des progrès de la spectrométrie de masse ?
Pr M. D. : Il s’agit d’une des technologies qui est en train d’exploser. La spectrométrie de masse permet d’analyser la composition totale d’une cellule micro par micron. Elle existe maintenant dans tous les laboratoires de bactériologie. Avec, comme corollaire, l’essor de la métabolomique grâce à laquelle on peut analyser tous les métabolites et en faire des profils en fonction du temps et du profil de chacun. Or, il est parfois plus important d’analyser le métabolite que le gène. En effet, quand ce dernier est cassé, il est fréquent qu’un mécanisme contrebalance le dysfonctionnement. Au contraire, dans le métabolite, on est confronté à ce qui se passe effectivement, si l’on peut dire, et qui est la résultante de l’action de toutes les enzymes. En cardiologie aussi, il existe désormais des marqueurs de plus en plus fiables qui permettent de détecter un infarctus imminent.
En somme, la frontière entre les disciplines de biologie est en train de disparaître. Ce sont les approches pluridisciplinaires qui permettent aujourd’hui d’avancer.