Insuffisance rénale chronique, le dialogue néphrologue et biologiste au cœur de l’innovation
L’innovation organisationnelle est à l’honneur. Grâce, entre autres, à l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 qui vise à libérer et promouvoir les initiatives de terrain. Le but ? Arriver enfin à améliorer l’organisation des professionnels de santé sur la base d’une meilleure coordination des acteurs au service d’un parcours de soins du patient plus efficace et plus économique en ressource. Les biologistes médicaux sont appelés, comme tous les autres professionnels de santé, à investir ce nouveau champ d’innovation.
Sur le plan strictement financier, la première loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) du nouveau gouvernement n’a rien d’original et poursuit les efforts de maîtrise des dépenses des précédentes moutures. En revanche, son article 51 est présenté comme la mesure fondatrice de la Stratégie nationale de santé en matière d’évolution de l’organisation du système de santé. Le décret d’application de cet article est paru le 23 février et les premières validations de dossiers d’expérimentation sont attendues avant l’été. Reste à chaque profession de s’emparer du sujet, au niveau national, régional et infrarégional.
Un moteur d’innovation organisationnelle
Cet article de la LFSS sur des expérimentations suscite attentes et interrogations. En général, ce type de dispositif aboutit à des expérimentations interminables (exemple de la télémédecine), ou sans avenir identifiable. Loin du scepticisme, les promoteurs de l’article 51 estiment qu’il peut mener à une véritable révolution, en raison de deux éléments clés :
- Les expérimentations couvertes par cette mesure doivent venir du terrain, des professionnels de santé et des établissements de soins eux-mêmes, et non de consignes ministérielles.
- Les expérimentations pourront toucher à un facteur essentiel, celui de la tarification, dans sa logique et dans son montant. Il prévoit en effet la possibilité de financer les « expérimentations organisationnelles innovantes du système de santé », en dérogation aux règles actuelles de tarification.
Ainsi, en théorie, cet article devrait permettre à des professionnels de ville de proposer, en lien ou non avec l’hôpital, de nouvelles modalités de prise en charge pour un parcours de soins spécifique avec un mode de rémunération inédit. Par exemple, le suivi des AVK pourrait être un sujet d’expérimentation sur lequel les biologistes médicaux pourraient être moteurs dans plusieurs régions.
Le décret de mise en œuvre publié
Les premières expérimentations validées donneront le ton. Le gouvernement affiche sa volonté d’avancer vite sur le sujet, puisque le décret d’application relatif « au cadre d’expérimentations pour l’innovation » a été publié au Journal officiel le 23 février dernier. Le champ d’application a été précisé et le process de sélection défini (lire ci-après).
Que dit l’article 51 de la LFSS 2018 et son décret d’application
Premier article du chapitre II de la partie IV de la LFSS dédiée à la branche maladie consacré à la promotion de l’innovation en santé, l’article 51 stipule que « des expérimentations dérogatoires […] peuvent être mises en œuvre, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans ».
Selon le décret, les expérimentations pourront relever de deux types :
- Ceux relatifs à « l’organisation ou au développement d’activités de soins, de prévention et d’accompagnement au sein des secteurs sanitaire, médico-social ou social, à destination de personnes, de groupes de personnes ou de populations, de manière alternative ou complémentaire aux modalités en vigueur ». Elles pourront recourir à des modalités de financement forfaitaires totales ou partielles, par épisode ou parcours de soins, modulées selon des critères précis (qualité, sécurité, efficience…), ou, enfin, collectives et liées à la coordination du soin.
- Ceux relatifs à « l’organisation et au financement d’activités de soins, de prévention et d’accompagnement, de technologies ou de services au sein des secteurs sanitaire, médico-social ou social, non pris en charge par les modalités existantes et susceptibles d’améliorer l’accès aux soins, leur qualité, leur sécurité ou l’efficience du système de santé ». Les expérimentations devront favoriser les pratiques pluriprofessionnelles, les liens entre la ville, l’hôpital et/ou le médico-sociale, et mettre en œuvre des outils numériques.
Le décret détaille également le process de sélection des expérimentations. Un process à deux niveaux : régional et infrarégional d’une part, et national d’autre part, selon la portée initiale de l’expérimentation. Le processus de sélection s’appuie sur le Directeur des ARS mais également sur un dispositif national de traitement des demandes composé d’un comité technique et un conseil stratégique de l’innovation en santé piloté par un rapporteur général.
Le temps de réponse prévu par le décret est de trois mois maximum à compter de la réception du projet. Il est de quatre mois si le projet nécessite l’avis de la Haute autorité de santé (HAS). Dépassés ces délais, l’avis est automatiquement réputé favorable.
Les sources :
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2017/12/30/CPAX1725580L/jo/texte)
- Décret no 2018-125 du 21 février 2018 relatif au cadre d’expérimentations pour l’innovation dans le système de santé prévu à l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale (https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000036635859)
Le Professeur Jean-Michel Halimi est néphrologue, Chef de service au CHU de Tours. Il travaille étroitement avec les biologistes médicaux hospitaliers et libéraux dans le cadre du dépistage et du suivi des patients atteints d’Insuffisance rénale chronique (IRC). Pour lui, l’innovation en biologie doit autant favoriser le dialogue entre le biologiste et le médecin que des rendus de résultats qui améliorent la fiabilité du diagnostic.
Le dépistage et la prise en charge des patients atteints d’Insuffisance rénale chronique (IRC) feront l’objet de deux rendez-vous lors du Congrès :
- L’un s’interrogera sur le fait de savoir si la créatinine plasmatique sera encore le gold standard demain ?
- Le second permettra de découvrir les dispositifs mis sur pied par les URPS de biologistes Centre-Val de Loire et PACA avec les médecins pour optimiser le dépistage et le suivi de l’IRC.