Des JIB 100 % virtuelle, des JIB 100% essentielles
Le contexte sanitaire a amené les organisateurs des Journées de l’innovation en biologie à imaginer un rendez-vous inédit dans sa forme puisque cette 63e édition sera entièrement virtuelle. Le point avec le Dr François Blanchecotte, président des JIB.
De quelle manière vont se dérouler ces JIB « en ligne » ?
D’abord, je veux rappeler que nous avons fait le choix de proposer une édition virtuelle afin de répondre aux enjeux sanitaires et à la nécessité de limiter les contacts tout en préservant l’essence même de ce rendez-vous. D’emblée, l’ambition a été de conserver autant que possible le programme tel que nous l’avions conçu initialement, car plus que jamais, un rendez-vous comme les JIB est essentiel.
Ces JIB virtuelles ont lieu du 8 au 11 décembre, soit un mois après la date prévue. Nous avions besoin de ce laps de temps supplémentaire pour mettre en place le dispositif nécessaire à cette session dématérialisée et reprogrammer les rendez-vous avec l’ensemble des intervenants nationaux et internationaux. Cette formule, première du genre pour les JIB, va nous servir de test pour imaginer, à l’avenir, des rendez-vous mêlant distanciel et présentiel. Cela peut être une option intéressante notamment pour les participants originaires d’autres pays que la France.
Comment avez-vous décidé de décliner le programme ?
Des sessions de 45 minutes seront proposées sur quatre jours dès 17 h. En optant pour la fin d’après-midi, nous avons souhaité nous adapter au mieux au temps de travail des biologistes. Si toutefois, certains ne peuvent se rendre disponibles, il leur sera toujours possible de voir chaque session en replay jusqu’à 6 mois après la tenue du congrès virtuel. L’inscription, dont le prix a été revu à la baisse, permettra d’accéder à l’ensemble des enregistrements sur une plateforme dédiée, et ce durant six mois.
Les exposants seront également présents via un système de market place, un marché en ligne, rendu possible grâce une application dédiée. Les participants pourront interagir avec les différents fournisseurs.
Le thème de l’intelligence artificielle ouvre les JIB. Quels sont les enjeux pour la profession ?
A côté des sessions purement scientifiques qui sont essentielles pour l’évolution médicale de notre profession, l’IA est un sujet incontournable pour les biologistes ! Demain, l’intelligence artificielle nous permettra d’orienter ou d’aider le médecin dans ses diagnostics. Il ne s’agit nullement de le remplacer mais de lui apporter une orientation basée sur l’utilisation des données biologiques du patient sur le long terme. Cette réflexion est alimentée, entre autres, par les nombreux échanges que nous avons avec des data scientists. À travers leurs exemples, ils nous ont montré qu’il nous est possible de beaucoup mieux aider les médecins à s’orienter. Nous aurions tout intérêt à analyser les données et leur évolution dans le temps. A mon sens, l’IA va permettre à la profession d’évoluer, de passer un nouveau cap et de devenir incontournable dans le paysage du diagnostic. Il nous faut faire ce saut numérique dès 2021.
Ceci étant, ces transformations appellent d’autres réflexions notamment sur le plan éthique. Ces JIB seront donc également l’occasion de s’interroger sur la fiabilité du traitement algorithmique des données massives. Il y a un enjeu de responsabilité lors de la libération des comptes rendus automatiques. Que fait la machine ? Que fait l’humain et comment garantir la fiabilité de ce que la machine analyse ? Il nous faut comprendre et maîtriser les algorithmes.
Enfin, ce champ du numérique nous amène sur le terrain de la sécurisation des bases de données. Un vaste sujet qui sera approfondi au cours de ces quatre jours d’échanges.
Transversale, la question de la prise en charge du patient est abordée au cours de différentes conférences. Quels seront les axes développés ?
D’abord, il y a cette notion de maîtrise médicalisée qui suppose qualité et efficience. Comment faire pour que le plus grand nombre bénéficie davantage d’examens mieux ciblés ? La mesure, votée cette année, pour nous permettre d’ajouter et d’enlever des prescriptions médicales va totalement dans ce sens.
Puis, l’évolution de la biologie délocalisée sera un autre grand thème abordé. Elle est au cœur de l’actualité puisque nous allons en fixer le cadre dans les prochains mois. Le périmètre des examens concernés par les points of care sera déterminé au premier semestre 2021 et le financement au second semestre. Selon les estimations, cette biologie pourrait représenter entre 20 et 30 % de la biologie courante. Demain, en gardant le patient à domicile, nous pourrions mettre en place une biologie délocalisée qui permettrait un suivi à distance et ainsi éviter des hospitalisations.
Y’aura-t-il un temps de discussion consacré à la crise sanitaire et la manière dont la profession traverse cet épisode ?
Il nous semble important de revenir sur cette séquence, qui n’est pas terminée, à travers différentes sessions. La crise sanitaire n’est pas sans poser un certain nombre de questions en particulier pour notre profession. Étions-nous prêts ? Faut-il se réorganiser ? Faut-il envisager des synergies entre privé et public ? En somme, comment notre secteur d’activité peut-il fonctionner pour répondre au mieux aux besoins du patient ? Nous nous sommes aperçus que nos voisins allemands et italiens, dont l’organisation est différente de la nôtre, ont été confrontés aux mêmes problématiques, notamment dans la gestion des décisions scientifiques et politiques parfois différentes.
Plus généralement, plusieurs conférences reviendront sur la place des biologistes médicaux dans le système de santé. Le paysage des soins sur le territoire se compose de visions différentes. Cela s’observe notamment entre les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) très cadrées et des équipes de soins primaires (ESP) plus libres dans leur fonctionnement. Quel que soit le contexte, le biologiste médical doit être inclus. Car nous sommes sollicités aussi bien en premier recours que pour une prise en charge spécialisée…
La crise sanitaire vient également remettre au cœur des débats l’usage des TROD et des autotests. Quels sont les enjeux autour de cette problématique ?
C’est un sujet qui divise profondément la profession. Les autorités ont considéré que ces tests n’entraient pas dans le champ de la biologie médicale. Nous n’avons donc pas l’autorisation de réaliser des TROD. Mais la limite est extrêmement floue. Avec la Covid-19, nous le voyons d’autant plus que le même test antigénique rapide s’appelle TROD chez le pharmacien, le médecin ou l’infirmier et test de diagnostic rapide ou TDR chez les biologistes. Il est produit par les mêmes fabricants avec les mêmes réactifs ! Seul le nom change. C’est la première fois dans l’histoire de la profession que nous vivons cela. Il va donc être intéressant d’analyser les diverses prises de position en la matière. Aujourd’hui, la plupart des grands groupes français refusent de les utiliser. Un choix que nous observons également chez bon nombre de biologistes allemands.
Le Professeur Jean-Michel Halimi est néphrologue, Chef de service au CHU de Tours. Il travaille étroitement avec les biologistes médicaux hospitaliers et libéraux dans le cadre du dépistage et du suivi des patients atteints d’Insuffisance rénale chronique (IRC). Pour lui, l’innovation en biologie doit autant favoriser le dialogue entre le biologiste et le médecin que des rendus de résultats qui améliorent la fiabilité du diagnostic.
Le dépistage et la prise en charge des patients atteints d’Insuffisance rénale chronique (IRC) feront l’objet de deux rendez-vous lors du Congrès :
- L’un s’interrogera sur le fait de savoir si la créatinine plasmatique sera encore le gold standard demain ?
- Le second permettra de découvrir les dispositifs mis sur pied par les URPS de biologistes Centre-Val de Loire et PACA avec les médecins pour optimiser le dépistage et le suivi de l’IRC.